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Le bon mix directif/participatif est la clé d'un changement réussi !

Rédigé par Didier Serrat | 8 juin 2018

C'est notre conviction nourrie par la pratique et nous avons conçu Zeebra dans cet esprit !

Zeebra permet de structurer, d'orienter et d'engager une communauté de managers impliqués dans la mise en œuvre d'une transformation.

Trop de top/down et de directif tuent l'engagement et trop de participatif tue l'alignement sur la cible visée par la direction générale.

Cette conviction est parfaitement illustrée dans les travaux de Valéry Michaux dont nous reprenons intégralement ci-dessous un article du Monde daté du 7/6/2018 qui la cite mais qui n'est hélas pas accessible en ligne sur le site.

Didier Serrat

 

 

Les bonnes recettes du public dans la conduite du changement
La chercheuse Valéry Michaux estime que le privé devrait prendre exemple sur les dynamiques de changement stratégique mises en place par les collectivités locales entre 2000 et 2010
Les " modes d'emploi " pour -conduire des grands changements ou des transformations straté-giques dans les organisations sont bien connus aujourd'hui. Leur taux d'échec aussi : autour de 60  % ! Le coupable est souvent tout trouvé. C'est la fameuse " résistance aux changements ". Et le remède inexorablement prescrit est " la participation ". Pour contourner cette résistance, de nombreuses organisations font " participer " les collaborateurs, les salariés, les usagers et autres parties prenantes. Même si, en fonction de la situation, au mieux on fait travailler ensemble et au pire on consulte. Et on en reste souvent aux mêmes 60  % d'échec ! Le taux de " cynisme " des salariés dans les organisations en transformation permanente en est un bon indicateur.
Et si finalement la bonne recette en matière de pilotage participatif nous venait de certaines réformes territoriales qui ont réussi à impulser des transformations stratégiques profondes et durables ?
Pour le montrer, il fallait dépasser -l'évaluation classique des politiques publiques, qui s'intéresse aux impacts. C'est donc les trajectoires de transformation que j'ai étudiées au cours de la décennie 2000, en menant des analyses comparatives et rétrospectives échelonnées dans le temps qui ont permis d'étudier les -dynamiques d'évolution durant huit années de dix " territoires de projet " dans l'ancienne région Champagne-Ardenne, impulsés par la Loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire de 1999 (LOADDT, dite loi Voynet). Cette méthodologie a permis de mettre en lien les évolutions obtenues avec l'impulsion d'épisodes participatifs de nature différente – diagnostic partagé, prospective territoriale, contractualisation, évaluation participative – au fil du temps (" Stratégie territoriale : les impacts et les limites d'un cadre participatif “incitatif-cœrcitif” ", Revue d'économie régionale &  urbaine, janvier  2018).
Ne plus faire cavalier seul La loi Voynet est une des premières qui a cherché à généraliser en zones rurales et périurbaines une réflexion stratégique participative qui fédère des collectivités locales autour d'un territoire faisant sens économiquement, géographiquement et socialement. Dans une approche mêlant participation et cœrcition, les collecti-vités ont été amenées à collaborer pour construire un projet stratégique commun à long terme. L'objectif : décrypter les enjeux de demain, créer une vision du futur mobilisatrice, remettre en cause une culture décisionnelle trop cloisonnée, réinventer des stratégies transversales entre collectivités. En somme, une réforme territoriale avant l'heure.
De fait, les collectivités n'avaient pas beaucoup de choix. Si elles souhaitaient bénéficier de certains budgets provenant de l'Etat ou des régions, elles ne pouvaient plus faire cavalier seul. La loi était très précise sur les attendus, mais les territoires avaient " carte blanche " pour coconstruire leur projet stratégique. Résultat, des orientations communes fortes à long terme dans des domaines très divers : renforcer l'attractivité économique par des infrastructures et des équipements technologiques pertinents ; attirer, accueillir et maintenir les entrepreneurs ; attirer les talents, maintenir les jeunes et développer les compétences ; équilibrer le maillage du territoire autour d'une offre de services de qualité ; créer une offre touristique coordonnée ; maintenir et étendre une politique culturelle active commune, etc.
Les résultats de cette recherche montrent qu'après quatre années, les comportements des collectivités se sont trans-formés dans 40  % des territoires. Cette méthode " participative-cœrcitive " est donc aussi efficace que la plupart des -" recettes " utilisées dans les grands changements stratégiques des organisations privées. Sauf que, très vite, ces résultats s'avèrent avoir des conséquences surprenantes. Les changements sont d'une telle ampleur qu'ils vont atteindre les ini-tiateurs, c'est-à-dire l'Etat et la région eux-mêmes ! En voulant remettre en question les cloisonnements, l'Etat et la région se sont retrouvés confrontés à ce qu'ils ont semé : des projets si transversaux qu'ils n'entraient pas dans les cases habituelles de financement.
Remises en questions puissantes La réponse ne se fera pas attendre puisque c'est avec dynamisme que la région et l'Etat vont prendre la balle au bond pour faire évoluer leur propre organisation interne. Bien mieux parfois que beaucoup d'entreprises privées qui se lancent dans des démarches participatives de changement ou de réorientation stratégique, mais qui s'engluent ensuite dans la mise en œuvre en refusant la remise en question de leur organisation. Huit ans après le démarrage du process, on peut considérer qu'avec un taux de 60  % de succès la méthode est beaucoup plus efficace à long terme que la plupart des méthodologies utilisées pour gérer les grands changements stratégiques, notamment dans le secteur privé.
Ces résultats prouvent que c'est dans la méthode employée que réside la vraie différence. Le secteur public a ici naturellement adopté un double mouvement, " top down " - du sommet vers la base - avec l'ouverture d'une série d'épisodes participatifs normés et échelonnés dans le temps, mais aussi " bottom up " - du bas vers le haut - puisque les territoires avaient carte blanche sur leur projet. Cette démarche, à la fois cœrcitive sur le cadre et participative sur le fond, a permis une trajectoire de transformation par paliers successifs, chaque palier -permettant d'aller plus loin dans les réflexions et les expérimentations. En enclenchant au fur et à mesure des remises en question suffisamment puissantes et en déstabilisant progressivement les verrouillages locaux, une culture locale territoriale nouvelle a pu voir le jour.
A l'heure où les transformations numériques sont complexes et culturelles, l'efficacité de ce cadre " participatif-cœrcitif " se révèle riche d'enseignement. Dans beaucoup d'organisations du privé, une des difficultés est le dosage entre un changement stratégique introduit de façon " top down ", qui conduit à des difficultés d'appropriation et accentue la résistance, et un changement stratégique construit de façon " bottom up ", qui risque de n'être jamais complètement aligné avec les souhaits de la hiérarchie.
Cette recherche montre qu'on peut être plus efficace avec un cadre directif et travaillé en amont, mais qui laisse en aval suffisamment de marge de manœuvre pour enclencher des épisodes dits de " problématisation ", qui seuls peuvent conduire à une réflexion stratégique participative efficace. Cependant, toutes les entreprises ne sont pas capables de laisser le pouvoir aux salariés en leur donnant carte blanche dans un cadre cœrcitif suffisamment précis. D'habitude, on cherche à utiliser les bonnes pratiques du privé pour les adapter au public. Les bonnes pratiques du public ne pourraient-elles pas être utiles au privé ?
Valéry Michaux
© Le Monde